Une solution ne doit pas nécessairement être high-tech

Publié sur: 27/11/2023

L’une aide les start-ups ici dans leurs premières démarches, l'autre donne un coup de pouce aux petites entreprises dans le Sud. Début septembre, Start It @KBC et Entrepreneurs pour Entrepreneurs se sont rencontrés pour échanger des idées dans un esprit d'ouverture et explorer ce qu'ils pouvaient apprendre l'une de l'autre. Après cela, nous nous sommes mis à table pour faire le point.

 

Dehors, le soleil brille, mais dans The Beacon, le hub moderne pour start-ups, au cœur d'Anvers, il fait agréablement frais. Lode Uytterschaut de Start It @KBC et Jan Flamand et Björn Macauter d'Entrepreneurs pour Entrepreneurs ont pris place à la table. Et parce qu'il vaut toujours mieux commencer par le commencement, nous demandons :
 

Qu’attendez-vous de cette réunion ? 

Uytterschaut : « Nous avions envisagé de lancer Start It @KBC en Afrique aussi, avant de décider finalement de nous étendre d'abord en Europe centrale, où KBC est déjà présent. C'était sûrement un peu plus facile. Mais, je ne vois aucun tabou à nous étendre vers le Sud. Au contraire : cette idée me plaît beaucoup, car nous pouvons en tirer de nombreux enseignements. Rien de plus logique, dès lors, que de nous entretenir avec des personnes et des organisations qui possèdent déjà une expertise là-bas et peuvent nous faire découvrir le marché. » 

 

Start It @KBC est entre-temps une valeur sûre dans le paysage économique flamand, alors qu'Entrepreneurs pour Entrepreneurs s’y fait un peu plus discret. D'où venez-vous ? 

Flamand : « OVO a été fondée par feu Fons Verplaetsen, l'ancien gouverneur de la Banque nationale, qui était aussi conseiller de la Banque nationale du Congo. C'est cet engagement en faveur de l'Afrique qui l’a incité à fonder CFP : Corporate Funding Program, qui allait devenir par la suite Entrepreneurs pour Entrepreneurs. En effet, il est parvenu à la conclusion que, même avec de bonnes intentions, les ONG, à elles seules, ne sont pas suffisantes pour soutenir le continent ; il faut aussi stimuler l'activité économique. Toute l'idée est qu'il vaut mieux donner une canne à pêche qu'un poisson. Finalement, c’est ainsi qu’a vu le jour une organisation qui a reçu des fonds de grandes entreprises belges telles qu'ArcelorMittal, Roularta Media Group, Lotus, Denys, Umicore, etc. Avec cinq collaborateurs permanents et un réseau de 120 volontaires, nous essayons de soutenir très concrètement des entrepreneurs et des projets en Ouganda, au Rwanda, au Sénégal et au Bénin. Nous procédons de deux manières. D'une part, nous pratiquons directement du business-to-business, mais nous collaborons aussi avec des ONG comme Louvain Cooperation, Congo Villages, Via Don Bosco ou Join for Water. Nous collectons des fonds pour eux, ils les traduisent en projets concrets. Louvain Cooperation, par exemple, s’engage résolument dans la mise en place d'une mutuelle. Ce n'est pas évident dans la mentalité africaine mais précisément pour cette raison que c’est important. »

 

Macauter : « Quel est le rapport avec l'esprit d'entreprise ? Il est étroit. En effet, vous voulez un climat dans lequel l'esprit d'entreprise peut prospérer et, en Ouganda surtout, vous remarquez que de nombreux entrepreneurs arrêtent temporairement pour cause de maladie. La plupart de ces problèmes pourraient être facilement évités s'ils pouvaient demander de l'aide à temps, mais ils trouvent souvent que cela coûte trop cher. C'est là qu'intervient l'idée d'une mutualité, qui rend les soins de santé moins chers grâce à l'assurance mutuelle. »

 

En outre, vous travaillez aussi avec des microcrédits pour aider les jeunes entrepreneurs à démarrer. Pouvez-vous m’en citer un exemple ? 

Flamand : « Ce sont souvent de très petites entreprises. Par exemple, nous aidons un entrepreneur qui fabrique des briquettes allume-feu à partir de feuilles de bananier séchées au lieu de charbon de bois. C'est très innovant et très important pour lutter contre la déforestation. Parfois, les zones agricoles s’appauvrissent en raison de la pratique majoritaire de monocultures. Nous y soutenons alors la culture de l'hibiscus, qui peut servir à confectionner du thé. De la sorte, nous faisons évoluer le marché non seulement sur le plan agricole, mais aussi sur le plan commercial et en termes de produits.

 

Vous venez de vous rencontrer pour la première fois. Avez-vous immédiatement reconnu vos points communs ? 

Uytterschaut : « Oui, je pense que nos deux organisations qui soutiennent les entrepreneurs. Entrepreneurs pour Entrepreneurs existe depuis un peu plus longtemps, mais j'ai été heureux de constater que nous nous concentrons tous deux sur la vente et le succès de la commercialisation. C'est sur ce point que nous nous rejoignons totalement. » 

 

Macauter : « Dans ce domaine, la gestion financière est souvent un point épineux. Nous devons y consacrer beaucoup de temps et d'énergie car, bien entendu, il est aussi très important de faire évoluer son entreprise dans la bonne direction. Souvent, l'aspect commercial ne fait pas l'objet d'une attention suffisante et n'est pas non plus assez ciblé. Nous devons continuer à insister sur le fait qu'il est préférable de développer d’abord un ou quelques services ou produits pour les maîtriser parfaitement, puis seulement d’envisager de s’étendre. Il ne faut pas courir trop de lièvres à la fois. »

 

Uytterschaut : « D'ailleurs, depuis la Belgique, nous encadrons aussi quelques start-ups africaines dont les fondateurs sont basés en Belgique mais qui ont un marché africain. Ugani Prostethics, par exemple, qui fabrique des prothèses à très bas prix pour les nombreuses victimes des mines. Ou encore Sunulex, qui offre aux Africains un accès rapide à un avocat par téléphone, ce qui n'est pas toujours si simple dans ce pays. Or, la téléphonie mobile y est encore plus répandue que chez nous. »

 

Votre organisation s'appelle Entrepreneurs pour Entrepreneurs, donc vous vous adressez aux entrepreneurs belges pour leur demander d'aider le Sud. Que peuvent-ils signifier pour vous ? S'agit-il uniquement d'une question d'argent ? 

Macauter : « Non, d’expertise. Par exemple, nous ferons bientôt venir en Belgique des personnes d'une entreprise sénégalaise pour qu'elles y effectuent un stage. Il s'agit d'une forme de capacity building à laquelle nous avons recours de plus en plus. En effet, c'est plus efficace que de nous rendre là-bas pour leur apporter notre savoir. Nous faisons venir les gens ici, nous les laissons observer le fonctionnement d’une entreprise et nous obtenons ainsi une pollinisation croisée. Car inversement, les entreprises belges peuvent aussi apprendre beaucoup de leurs homologues africains. Par exemple, nous avons tendance à chercher directement nos solutions dans l’hightech, alors que les entreprises africaines doivent souvent se tourner vers le low-tech par la force des choses. Puis il s'avère que, aussi limitées que soient leurs ressources, elles trouvent toujours une solution à leur problème. Tandis qu'ici, on va souvent hésiter très longtemps avant de se jeter à l’eau, en travaillant sans cesse avec des groupes de discussion et autres, là-bas, on se lance très vite sur le marché pour ne tenir compte qu’après coup du feed-back sur le produit. De cette manière, les coûts de commercialisation d'un produit sont beaucoup moins élevés. »

 

Pouvez-vous apprendre les uns des autres ? 

Uytterschaut : « Nos entrepreneurs peuvent apprendre des gens du Sud qui s’emploient à des solutions qui fédèrent. Certaines de nos start-ups imaginent souvent un produit que leurs ingénieurs ne peuvent expliquer qu'à un petit groupe d'initiés et qui ne permet donc pas de séduire les investisseurs ou les clients. Par ailleurs, je pense que nous sous-estimons énormément le potentiel de ce continent. Il y a quelques années, j'ai fait partie d'un jury à la Fondation Roi Baudouin chargé de sélectionner plusieurs start-ups africaines à soutenir, et je suis tombé à la renverse face à la profusion d'idées. Leurs idées ne sont certes pas toutes applicables en Occident, mais elles n'ont pas à l'être. Même sans cela, nous pouvons apporter une contribution importante grâce à l'expertise dont nous disposons. » 

 

Macauter : « Cela fait plaisir de se voir confirmer que les problèmes et défis auxquels sont confrontés les entrepreneurs en Afrique sont les mêmes qu'ici. Je crois également qu'il est important d’adopter une approche plus commerciale et d’apprendre aussi à vendre nos entreprises. Je pense en l’occurrence aux objectifs de développement durable (SDG en anglais) adoptés par les Nations Unies pour 2030. À partir de 2024, les entreprises devront commencer à assumer leurs responsabilités dans ce domaine, et un grand nombre de nos start-ups peuvent aider les entreprises belges sur ce plan. Nous devrions donc les prospecter activement en leur disant : cette petite entreprise peut vous aider à atteindre cet objectif. »

 

Uytterschaut : « Nous pouvons aussi regarder ce que nous avons en commun. Je pense par exemple à une start-up chez nous, Forest Base, qui parvient, par un système d'actifs, à donner aux arbres une valeur économique, qui fait de leur abattage une folie. Nous pourrions parfaitement créer une situation dans laquelle les entreprises d'ici, par leur intermédiaire, feraient en sorte de mettre un terme à la déforestation en Afrique. »

 

Car tel est l'objectif : faire en sorte qu'un environnement prospère aux entreprises puisse également voir le jour en Afrique ? 

Macauter : « Absolument. Le potentiel est énorme. L'Afrique est en train de devenir un moteur économique parce qu'elle dispose d'une population jeune, de mieux en mieux formée, qui fait preuve, de surcroît, d'un grand dynamisme. Il ne manque qu'un écosystème pour les soutenir. La Belgique possède tout un environnement qui encadre les start-ups tandis que, là-bas, il faut davantage tirer son plan. Et nous essayons d'apporter une petite contribution pour y remédier. Je remarque, par exemple, combien il est important d'introduire la notion de réseau, car celle-ci est encore beaucoup trop peu répandue en Afrique. Pourtant, c’est la meilleure façon de trouver des clients et des partenaires potentiels. Nous avons commencé avec prudence les OVO Business Clubs pour nos anciens, mais j'aimerais que vous me disiez comment activer une telle communauté de jeunes entrepreneurs. Comme de telles jeunes entreprises sont encore beaucoup plus flexibles que les entreprises établies, elles peuvent apprendre beaucoup l'une de l'autre en matière de modèles d'entreprise, par exemple. Et cela peut générer beaucoup de pollinisation croisée. C'est pourquoi nous essayons maintenant de faire en sorte que les entrepreneurs qui ont déjà suivi notre programme prennent soin à terme des nouvelles start-ups. » 

 

Uytterschaut : « Chez nous aussi, la plupart des mentors sont des personnes qui connaissent la musique, ce sont les mieux placés pour le faire. Vous voulez des accompagnants qui connaissent encore la technologie, le marché, sans que tout cela leur semble si loin. Les meilleurs mentors sont ceux qui ont un an et demi à deux ans d'expérience. »

 

Macauter : « Les gens sous-estiment souvent ce qu’est entreprendre. Ce n'est pas facile, mais réussir est une source de grande satisfaction. Nous avons donc besoin d'un plus grand nombre de ces initiatives, surtout en Afrique. En effet, avec la forte croissance démographique, il y a plus de personnes sur le marché du travail que d'emplois disponibles. Dans ce cas de figure, il est souvent nécessaire de créer sa propre entreprise. Beaucoup d’entre elles sont des entreprises de survie, des personnes qui se contentent de gagner assez d'argent chaque semaine pour subvenir à leurs besoins de base. Tout l’art est de soutenir le groupe d'aspirants entrepreneurs qui nourrissent plus d'ambition. Car ce sont eux qui peuvent créer des emplois pour les autres. »

 

Lisez l'article en pdf ici. 

Article: Matthieu Van Steenkiste 

Photos : Lieven Van Assche

(c) Private Expert, een publicatie van KBC Private Banking & Wealth 

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